30 avril 2013

Scouiche-scouiche, ploc-ploc, ...


Dimanche 17 novembre 2012. Scouiche-scouiche, ploc-ploc, ... j’ai couru les 10 km de l’Espoir à Meudon.

Il est des petites choses insignifiantes qui l’air de rien vous pourrissent facilement une ambiance. Ce matin de dimanche au buffet du petit-déjeuner de l’hôtel IBIS Budget d’Issy-les-Moulineaux, la petite chose a pris la forme d’un liquide orangé. En l’occurrence du jus d’orange. Je le trouve un peu acide. Bon, j’aurai dû anticiper qu’un jus d’orange qui sort d’une machine, ce n’est pas peut être pas le summum qualitatif. Surtout, j’aurai dû me rappeler ce qui est martelé dans tous les bouquins de conseils de course à pied : ne jamais varier son alimentation le matin d’une course. Or je ne bois jamais de jus d’orange avant de courir. Erreur n°1.
La course est à 10h45. Avec Thibault, nous entamons le petit-déjeuner à 08h10. Depuis deux mois que j’ai repris la course à pied, je m’attache à laisser trois heures entre la fin de mon déjeuner et un entraînement. Là, ce sera pas même deux heures. Erreur n°2.
Pour une raison mal identifiable, je suis tendu. Stressé. Le parcours sur le site de l’organisateur ne correspond que partiellement à la réalité. La côte, certes courte, 200 m environ mais bien prononcée, démarre après une épingle en descente qui coupe tout élan. C’est plat. Certes  ... si l’on oublie quelques faux plats ou passages sous ponts qui nécessitent plusieurs relances. Deux passages sur les pavés : pas l’idéal quand il pleut. Or il pleut sans discontinuer depuis le milieu de la nuit. Et parfois à très fortes gouttes.
Résultat, sans vraiment en avoir pris conscience, je viens de débuter une équation dont le résultat n’est pas idéal : (erreur n°1 + erreur n°2) x tension = digestion difficile. Je n’ai pas encore pris le départ que déjà je me suis compliqué la tâche !

Matthias passe nous prendre en voiture. C’est mieux pour Thibault qui voyage avec trois bagages. J’ai imaginé faire les 1600 mètres de l’hôtel au départ de la course en mode jogging pour me préparer, mais ... ce sont 1600 mètres en montée. L’auto de Matthias est alors assurément la bienvenue.
Sur place, parmi les premiers concurrents, il pleut, il pleut et il pleut. C’est un peu format cloaque. Parapluie pour Matthias et coupe-vent imperméables pour Thibault et moi. Depuis la veille, pour faire un peu baisser la pression, j’ai choisi d’être avec un appareil photo et un carnet de notes pour tester la réalisation d’une forme de reportage que je compte utiliser en 2014. Rien de mieux que les événements en réel pour de vrais tests ! Et puis, ça m’occupe l’esprit. Au micro de l’organisation, le speaker parle de l’Observatoire de Meudon dont le château est à peine à 250 mètres du lieu du départ : « L’Observatoire de Paris-Meudon est le plus grand pôle national de recherche en astronomie. Trente pour cent des astronomes français y poursuivent leurs recherches au sein de sept laboratoires ... ». Je trouve sympathique ce mode "culture générale" à l’occasion d’un événement sportif. Pas sûr cependant que tous les concurrents y prêtent attention.

A 10h10, l’organisation gonfle l’arche d’arrivée tandis que les premiers concurrents de la course de 5 km en terminent. C’est vraiment ric-rac comme timing ! Avec Thibault, nous nous lançons pour un petit jogging d’échauffement. Scouiche-scouiche, ploc-ploc, le gazon du parc est totalement détrempé et ce n’est pas mieux du côté des allées. Aussi, très rapidement, nous choisissons les rues adjacentes. C’est fort vallonné, mais c’est goudronné. Et sous la pluie, c’est tout de même mieux. Température de 8°. Question difficile : faut-il courir l’épreuve avec le coupe-vent imperméable ou non ? ... La pluie et le froid nous laissent circonspects. Finalement, nous décidons de faire sans. De mon côté, j’ai peur d’avoir trop chaud et d’en souffrir. Je m’attendais à une course sur le plat or le repérage fait la veille au soir avec Matthias et Thibault ne va pas totalement en ce sens. Je pense que c’est suffisant comme handicap. D’autre part, je me suis tracé des repères intermédiaires pour courir en contrôlant mon avancée afin d’être sur les bases du bien-être "médical" mais le plan du web étant faux, mes repères le sont aussi. Ma préparation chronométrique est vraiment inutile : nous courrons dans le sens inversé du schéma présenté ! De plus, l’organisation n’a pas matérialisé les premiers kilomètres. Ce qui implique que je dois courir au feeling. J’avoue que je n’aime pas ça. Pas ça du tout. Je le sens mal. Ça ne plaît semble t’il pas non plus à mon estomac.

Avec la pluie et ces 8 degrés, difficile de bien rester chaud dans ces conditions. Thibault, dans sa bulle de concentration, fait quelques élongations des jambes tandis que je m’impatiente. Les concurrents commencent à s’agglutiner sur la ligne de départ, une bande blanche au sol sur un chemin de terre. Nous laissons nos protections pluie à Matthias, toujours stoïque sous son parapluie. Les rangs se rapprochent. « Histoire de se tenir chaud, on peut se resserrer, non ? » demande t’il ? Alors on se resserre un peu. De toutes façons, ça pousse derrière, même si nous avons choisi de partir dans le dernier quart des concurrents.

Coup de pistolet. Départ en masse, dans la boue donc, en fin d’un peloton d’environ 400 coureurs. Certains sont en tenue allégée. En général, ils sont devant. Visiblement, les plus rapides du peloton. Énormément de personnes, près d’une sur deux, porte un coupe vent ou une protection imperméable. Ai-je fait le bon choix ? Il ne cesse de pleuvoir ...
Passage de la ligne de départ 12" après les premiers et quelques piétinements. Avec Thibault, nous évitons les premières flaques et giclées de boue. Enfin presque. Le début de parcours tracé dans le parc de l’Observatoire n’est pas franchement un terrain pour plusieurs centaines de coureurs. Au bout de 400 mètres, c’est quasiment un parcours de cross ! Pas vraiment la possibilité de profiter de la terrasse qui porte vers la Tour Eiffel : non seulement la pluie bouche l’horizon mais les yeux sont accaparés par la nécessité d’éviter flaques et bourbiers en pagaille. Pour Thibault, c’est raté, le pied droit a déjà terminé dans une flaque. Le peloton n’est plus qu’un gigantesque salmigondis de ploutch, ploc, scouiche et splatch humides. Aux 800 mètres, le virage est allègrement coupé par la quasi-totalité des coureurs. Comme c’est synonyme de traversée herbeuse, donc glissante, je préfère rester sur ce qui fait office de chemin. Certes, dans l’aventure, je dois perdre 25 places. 

Courte descente goudronnée après 80 m de pavés bien glissants eux-mêmes en descente. Ouf, enfin du goudron ! Epingle, puis relance sur une côte qui fait qu’avec Thibault nous reprenons une quinzaine de coureurs. Au sommet, il faut relancer. C’est difficile. Nous passons à nouveau une petite dizaine de coureurs qui ont eu du mal dans la côte. Aucune repère kilométrique, seul mon chrono égrène les minutes. Déjà 12 minutes depuis le coup de pistolet. A priori, les deux bornes sont passées. Enfin, je l’espère ! Dans une grande ligne droite en sous-bois, nous jouons les Pacman avec Thibault en repassant une dizaine de concurrents. Mon rythme respiratoire est élevé, Thibault le remarque aussi et ça m’inquiète parce que je suis incapable de dire sur quel rythme je progresse.
Thibault est grand, ça aide : il repère un panneau d’indication. Enfin ! Panneau 3 km. Et 17’24 au chrono. En pratique, je dois être à 17’45. Ce n’est pas grand-chose 21" de mieux, mais c’est 21" de trop. D’autant que la montée à la fin du premier kilomètre aurait sérieusement dû me ralentir. Je comprends mieux ma respiration à la limite ! Thibault me demande si je souhaite lever un peu le pied, je préfère garder le rythme. Nous avons rattrapé un groupe de trois coureurs au rythme qui me plaît. L’homme du trio est fort bavard, ce qui indique qu’il court en toute décontraction. C’est plaisant, ça met un peu de bonne humeur sous la pluie.

Quatrième kilomètre. Mon chrono s’est arrêté du fait de la pluie qui déclenche les fonctions tactiles ... Pas terrible du tout pour gérer une progression en toute sérénité. Thibault indique que nous sommes grosso modo sous la minute par rapport à mon temps théorique : 23 minutes au lieu de 23’40. Malgré cette avance et les précautions du médecin, je choisis de garder la cadence du trio à qui nous collons aux basques. Nous dépassons trois coureurs. C’est bon pour l’orgueil ! Je n’arrive cependant pas à monter à la bonne température au niveau des jambes, impossible de baisser ma cadence respiratoire qui reste élevée, la digestion du petit-déjeuner me reste en travers de l’estomac, et pourtant malgré ces trois voyants au rouge, la course m’est plaisante. Nous quittons le goudron pour environ 300 mètres de scouiche-scouiche ploutch-ploutch qui finissent de végétaliser mes baskets, déjà mal en point après la section boueuse du départ.
En vigie bienveillante, Thibault annonce le ravito du 5ème kilomètre. Il est en forme et comme nous en avions convenu avant le départ, il choisit de passer la vitesse supérieure. Je le pense capable de flirter avec les 50 minutes, ce qui reste possible vu comment il est à l’aise depuis le départ. Pour moi, je décide de coller à mon trio en noir, mon objectif restant d’être légèrement sous la barre horaire.

Au ravito, mon trio, duquel je ne me suis pas séparé de plus de 3 mètres depuis plus de 2 kilomètres, se désolidarise un peu, l’homme sprintant pour collecter deux verres pour ses deux compagnes d’aventure. Thibault et moi snobons le ravitaillement. Thibault s’envole à 25 mètres du panneau 5 km. Pff ! ça aide d’avoir des grandes jambes et la jeunesse ! Cinq kilomètres, c’est aussi l’occasion de constater que le rythme n’a pas changé et que c’est maintenant plus d’une minute d’avance que je possède sur mon échéancier. Mon chrono n’aime toujours la pluie, je dois donc me contenter d’approximations à la minute. J’avoue que ça me tracasse un peu. Quand à mon petit déjeuner, il continue à faire le jogging dans mon ventre ...
Le passage après le poste de ravitaillement est un chemin de terre étroit en sous-bois sur près de 300 mètres. Bien imbibé, bien boueux, bien glissant. Il porte très mal son nom : route du Pont Blanc. Ce matin, c’est menu marron, beige caca et giclées de boues. Des bénévoles nous précisent que ça glisse. Ah tiens, je n’avais pas remarqué ! Heureusement, je suis devant mon trio. Du coup, ce sont eux qui se font un peu éclabousser, mais comme nous progressons au même rythme, je reste devant. Virage à droite aux 5300 mètres pour rejoindre une allée goudronnée. Une bénévole nous demande d’être très vigilant car ça glisse vraiment. Je privilégie la mince bande  de terre herbeuse et feuillue entre le fossé et le sentier, ça fait ploc-ploc et scouiche-scouiche, ça chercher l’adhérence, mais au final ça passe. L’épingle boueuse est court-circuitée et j’ai gagné trois places. De même que le trio qui m’a suivi. J’aimerai bien qu’il me repasse devant, histoire de me caler derrière eux, mais visiblement, nous sommes exactement sur le même rythme.
Immense ligne droite en sous-bois, parfois maculée de feuilles. Splouch-splouch, c’est le panneau 6 km. Repassage devant le ravito. Une bénévole k-wayisée couleur orange me tend un gobelet : « Non merci, Madame, je suis en mode chameau ! ». Malgré la pluie qui gêne la vision (pas terrible les lunettes quand on coure ...), le parcours est sympa. 
Moment creux dans la course, je pense à Morgane, retenue par son job au cœur de la nuit. J’imagine qu’elle, elle aurait pris le gobelet. Histoire de faire plaisir à son corps. Ou à la bénévole. C’est chiant ces rappels de police au cœur de la nuit, ça aurait été mieux qu’elle soit présente, ne serait-ce qu’histoire de vérifier que je suis toujours en état de parler. Difficile de parler seul : je ne veux pas passer pour un illuminé vis-à-vis du trio qui est collé à mes basques comme j’étais aux leurs mille mètres plus tôt. Et puis, cette épreuve, nous l’avons décidé à deux. Donc elle manque.

Trois coupe-vent fluo, deux rose et un orangé, se dandinent 50 mètres devant moi. Je me fixe l’objectif de les rattraper au panneau 8 kilomètres, mais ça ne le fait pas. Dans un très léger faux-plat avant un rond-point, j’essaye d’allonger, mais rien à faire : mon petit-déjeuner est aussi en mode jogging, mais sur un circuit différent du mien. C’est physiquement contrariant. Je trouve aussi que mes jambes ne sont toujours pas en température, c’est troublant. Une flèche noire me dépasse. Ça ressemble à Thibault, ça a la stature de Thibault, les couleurs de Thibault, mais non, c’est un ersatz. J’imagine qu’il a dû se réveiller à la bourre et prendre le départ de la même façon. A moins que ce ne soit un joggeur du dimanche qui joue le fanfaron devant ces misérables qui martèlent le goudron. Dans ma tête, je pense en souriant : « Viens donc courir les 10 kilomètres au lieu de te la jouer Usain Bolt ! ». Au rond-point de l’Etoile, il est arrêté, essoufflé. Finalement, c’est facile de rattraper les étoiles.

A 7500 mètres, passage sous la N118. Le trio qui était dans mon ombre depuis le ravito décide de reprendre la lumière et me repasse à l’occasion de la petite remontée pour sortir du tunnel. Passage très feuillu sur le goudron, c’est reparti en monde splouch-splouch, avec des variantes scouiche-scouiche. Sont-ce d’ailleurs les feuilles ou le fait que je sois totalement trempé puisqu’il pleut toujours ? Peu importe, ça reste des scouiche-scouiche sur plusieurs centaines de mètres. Ma respiration en mode "ça coince-ça coince" depuis le second kilomètre semble s’accélérer. A priori, ça va puisque je peux saluer de la voix les bénévoles qui veillent à chaque carrefour, mais je préfère lever le pied comme le préconise le docteur. Je me fais instantanément passer par deux concurrents et le trio s’éloigne, de même que les coupe-vent fluo. Ça me déplait, je n’ai pas perdu une place depuis le 4ème kilomètre ! Mais l’orgueil doit composer avec un estomac qui, pour une collation matinale mal goupillée, joue les pistes d’athlétisme en panne de records. Au panneau des 8 km, mon trio m’a pris 250 à 300 mètres. Rapide calcul : j’ai bien perdu 70 à 80 secondes dans ce passage.

En l’absence de tout chronométrage précis, je ne sais qu’une chose, c’est qu’à ma montre (qui avance) nous sommes partis à 10h51, je dois donc arriver à 10h50 si je veux parvenir à mon objectif. Au panneau 9 km, l’affichage passe à 10h43. C’est bon. Enfin, ça devrait être bon... Parce que le dénivelé final et les pavés ne l’entendent sûrement pas de cette façon. Bon, il a arrêté de pleuvoir, ça devrait le faire. Il y a beaucoup de monde derrière moi, mais devant, c’est désert. Le vide s’est fait avec les deux qui m’ont dépassé, le trio que je suivais et les coupe-vent fluos : ils sont largement à plus d’une minute. Pour éviter les innombrables ralentisseurs et un éventuel faux-pas, je cours sur la ligne blanche médiane. Loin devant, les coupe-vent fluos ont adopté la même stratégie. Sursaut d’orgueil : il y a bien 20 personnes à mes basques, ce n’est pas le moment de perdre une place !

Passage par l’épingle de la rue des Capucins, assurément plus agréable à aborder dans le sens descendant. Avec la vitesse prise dans la descente, j’élargis totalement le virage, histoire de ne pas perdre le rythme. Je me dis que c’est idiot : j’ai au moins dû rallonger de 12 mètres ! 
Dans la montée finale, Thibault vient à ma rencontre. C’est marrant ça : je savais qu’il le ferait. J’aurai fait de même. C’est d’ailleurs moralement très plaisant. Lui est en forme, encore capable de sprinter. Pas moi. D’ailleurs je n’ai jamais su. 



Passage par 50 mètres de pavés en montée, c’est assurément le moment le moins agréable du parcours. Splouch-splouch, cette fois, c’est certain, ce sont bien mes chaussures. Ligne d’arrivée ... sans panneau d’affichage de temps. Gloups ! J’aurai bien aimé un truc un peu plus précis que les estimées 59’45 de ma montre. Mon petit-déjeuner rate par contre la ligne d’arrivée et poursuit son mic-mac. Je choisis de poursuivre à petite foulée pendant quelques minutes. Mais c’est plouc-plouc et scouiche-scouiche assurés sur un gazon labouré et un chemin défoncé. Matthias est toujours là, stoïque sous son parapluie. J’ai toujours le chic pour entraîner mes copains dans des trucs galères !
Thibault pense avoir mis 51 mn. Aïe, il m’a quand même pris 1’40 par kilomètre depuis le ravito. Pffff ! Fais chier de vieillir quand même !

Passage par la case tente-ravitaillement de l’organisation. Un coca et une bouteille de 50 cl d’eau. Je n’ai pas soif, ce sera pour plus tard. Je délaisse aussi pommes et barres de céréales, mon estomac étant toujours en mode course effrénée. Hormis lui et des jambes que je ne sens toujours pas en température (étonnant, cela !), je suis en pleine forme. Trempé, boueux. Mais en forme. Thibault m’avoue qu’à l’arrivée la barrière fut la bienvenue pour lui : il a terminé en mode "à fond". C’est beau la jeunesse.

Publication des résultats en soirée. La pluie a frappé fort sur le peloton : 548 partants et 394 classés. Seulement ? La pluie a semble t’il joué quelques tours aux puces électroniques intégrées à nos dossards. Rayant du classement final plusieurs dizaines de coureurs. Dont Thibault. Seules les données informatiques de la photo prise par Matthias attestent qu’il a terminé 9 minutes devant moi.
Officiellement, je termine à 25’04 du premier. Avec les 12" en moins au départ, cela donne exactement 59’49 pour les 10 km. Le passage en creux du huitième kilomètre a failli m’être fatal ! Une Morgane termine une place devant moi ... mais ce n’est pas la bonne. Clin d’œil du destin pour une épreuve où elle fut donc un petit présente. A moins que la pluie n’ait été que la trace des larmes de son absence. Question pluie d’ailleurs, l’After Race le dimanche soir sera consacré au lessivage des baskets et des vêtements de course. Tout ne peut pas être parfait ...

Pour être complet, j’avoue que l’absence de Thibault dans les classements m’ennuie. Quand j’entraîne les copains dans des histoires, fussent-elles bien trempées, j’aime bien que tout soit parfait. Je contacte donc l’organisateur et le chronométreur pour en savoir plus.
La réponse viendra en début d’après-midi le lundi : 
« Beaucoup de coureurs ont dû rester chez eux compte tenu de la météo. J’ai signalé hier que j’avais beaucoup de doublons. On a attribué des dossards différents à des mêmes personnes. Il y a eu des mélanges de noms/dossards le matin. Pourquoi, comment je ne sais pas et çà ne me concerne pas. Ensuite plusieurs dossards sont ressortis en inconnu et donc éliminés du résultats avant que l’on puisse vérifier. Un souci dans les fichiers le matin et la veille ont donc occasionné le non traitement des puces à l’arrivée. Finalement en croisant les données et la vidéo d’arrivée, je suis en mesure de réintégrer ce matin quelque 35 personnes dont le dossard 472 dont vous me parlez ».
Pas tip-top comme organisation, mais bon, à 10 euros le prix d’engagement, le parcours sympa –si l’on met de côté la boue–, les collations à l’arrivée et la médaille, on ne va pas critiquer ! Surtout quand les erreurs sont rectifiées.

Effectivement, le nombre des classés passe bien à 427 et Thibault termine 180e en 51’10, soit 50’58 compte tenu du décalage au départ. La vache, il m’a quand même collé 1’44 au km sur les 5 dernières bornes !



29 avril 2013

Plus prêt à mourir


Pour préparer mon affaire, je lis beaucoup. C’est fou le nombre de gens qui s’en vont au pas lent de la marche ou du cheval, au pas lent de la découverte et de l’écoute des autres. 
Le 14 novembre, je suis tombé sur ce livre, par hasard, sur un rayon de bibliothèque. pour moi, un livre en forme de clin d’œil que celui de l’Italien Paolo Rumiz.
Les voyageurs de la fin du XXe siècle ou du début du XXIe (Bernard Ollivier, Stanley Stewart, Nicolas Bouvier ou Shi Baoxiu par exemple) ont tendance à partir de l’Occident vers l’Orient. Paolo Rumiz a lui choisi d’aller du nord au sud, de la Carélie à la mer Noire, de longer la frontière qui séparait il y a encore peu l’Ouest de l’Est. Ce qui m’a donné d’ailleurs l’idée d’un plan C au cas où je n’obtiendrais pas les visas nécessaires (j’ai déjà réfléchi au plan B).
De cette lecture, je retiens une phrase qui me semble de circonstance : « Celui qui a franchi de nombreuses frontières est plus prêt à mourir. Il craint moins l’inconnu qu’un sédentaire. »



Mystère de l'altimétrie

Samedi 1er septembre 2012, chaussée Brunehaut, ancienne voie romaine reliant Paris à Saint-Quentin, entre les étendues agricoles de la Solette et du Dognonval, l'altitude 163, la plus haute du Soissonnais, est marquée d'une pierre gravée. Exactement gravée à 162,47 m. Alors que les satellites ne permettent de connaître la hauteur d'un lieu au centimètre près que depuis la fin des années 70, comment cette borne a t'elle pu être gravée avec une telle précision il y a plus de cinquante ans ?



28 avril 2013

Rencontre équestre

27 août 2012. Ki-ti-clop, ki-ti-clop, ki-ti-clop. Le pas ferré résonne dans la campagne bien avant que je n'aperçoive cet attelage qui monte d'un pas enlevé les Roises vers la commune de Villers-la-Fosse. En 31 marches et 607 km, j'ai croisé plus de chevaux que de piétons !


Borne camouflée

23 août 2012, trentième marche. Sur la D95, entre Bucy-le-Long et Margival, après le Grand Bois du Rhin.


27 avril 2013

Mon premier 53,7 km


Jeudi 23 août 2012. J’ai réglé mon réveil sur 05h00, mais j’ouvre l’œil à 04h50. Je suis un peu fébrile durant la préparation de mon casse-croûte et le déjeuner des enfants : je prévois une marche de plus de 50 km, ce n’est pas rien. Je n’ai plus couvert une telle distance depuis mai 1987, où j’avais longé l’Ourcq de place de la République à Paris jusqu’à Meaux, soit 51 km. Je me prépare donc ce matin à la plus longue marche de ma vie. De quoi être un peu tendu. Je veux partir pour 06h00, pour prendre le temps de marcher. Il fait nuit à cette heure mais comme je dois traverser la ville de part en part, ce n’est pas gênant.

05h40, j’achève la préparation de mon sac. Finalement, un sac de 22 litres, ce n’est pas tant que cela, d’autant que l’équipement photo prend beaucoup de place. Et de poids aussi : 1600 grammes.
05h55, ouf ! Je suis prêt à l’heure prévue. Ce qui est assez rare car j’ai toujours tendance à n’avoir jamais assez de temps dans ce cas de figure. Je n’ai peut-être pas assez mangé, mais je prévois des arrêts à 15, 30 et 45 km.

06h00, vaisselle rangée, je pars, impatient. Une telle distance, c’est une première absolue. Premiers mètres et première découverte de ce nouveau sac. Le poids est bien présent (900 grammes pour le sac et 5,5 kilos de contenu) pourtant il apparaît léger. Les quatre gros coussinets d’amortissement aux épaules et aux hanches y sont probablement pour beaucoup. Cela change totalement de mon précédent sac de marche. C’est aussi rassurant pour le futur avec un poids plus important dans un sac plus volumineux.
06h22. Premier chant du coq. Je suis toujours en ville. Celui-là est très proche pourtant.
Les lieux défilent : les Étangs de Clémencin, les Prés Jambons puis les Épines.

06h25. Extinction des lumières des lampadaires de l’avenue. Il fait à demi-jour. J’aurai pu sans souci partir une demi heure plus tôt pour avancer plus longtemps à la fraîche car c’est toujours la canicule annoncée pour la journée. L’exercice est double : marcher longtemps et cheminer sous le soleil, dans l’idée de voir comment je réagis dans des conditions que je rencontrerai pour arriver à Türkmenabat (au Turkménistan) où 120 km de zones désertiques, seulement peuplées de chameaux sauvages, m’attendent.

06h47. Premier chien qui aboie à mon passage. J’en suis presque gêné, je pense qu’il doit réveiller tout le quartier. Je ne supporte pas franchement ces chiens qui vocifèrent ainsi à mon passage, certains continuant leurs aboiements alors même que je ne suis plus à portée de leur vue. Je ne peux cependant rien y faire. Ils seront encore 11 à ainsi gueuler tout au long de ma journée ... Le record, si je puis dire, sera ce chien de Leuilly-sous-Coucy qui commencera à aboyer après mon passage et qui entraînera les réactions de trois autres chiens du voisinage. Comme le village est dans une petite vallée, c’est tout le monde qui en profite. Très désagréable !

06h58. Première photo. Suivi d’un gigantesque cafouillage dans les bois. La réalité de la carte n’est pas la réalité du terrain. Le sentier à "continuité aléatoire" porté sur la carte IGN est tellement aléatoire qu’il n’existe pas –ou plus– sur 250 mètres. Comme je suis dans une zone boisée, non entretenue, à flanc de coteau avec une déclivité de plus de 15%, c’est évidemment très difficile à progresser sans bâton. Je passe plusieurs minutes à tourner en rond, revenir sur mes pas, pour finalement choisir de tracer tout droit à travers bois et rejoindre le chemin, censé être un sentier de grande randonnée et qui s’avère en fait parfaitement roulant au vu des nombreuses traces de 4x4 et de tracteurs qui l’ont emprunté. Je me retrouve face à face avec deux chevreuils, aussi surpris que moi. Un bond, ils ont déjà disparu.
J’ai bien marché la première heure pour prendre un peu d’avance sur l’horaire mais j’ai tout perdu dans ce coin forestier nommé Les Belles Vues. Qui est le plaisantin qui nomme les lieux ? Il n’y a strictement aucune vue sur nulle part vu que c’est une forêt. Et une fois sur le plateau, pas plus de vue sur la vallée puisque les arbres montent jusqu’à la ligne de crête.



07h20. Je n’ai accompli que 250 mètres en 15 minutes. De grandes lignes droites m’attendent, je vais pouvoir refaire mon retard. Enfin, pas vraiment, parce que le sentier me paraît valoir une photo (voir ci-dessus). Mon appareil photo est trop lourd pour que je l’aie en permanence à la main ou autour du cou, donc il est dans mon sac. Sauf qu’à chaque besoin, je dois ôter une ceinture d’épaule et une aux hanches, ce qui demande un certain temps. Pour cette raison, j’ai loupé la photo de mes deux chevreuils. Et se pose toujours la question de l’appareil photo à emmener. Soit j’ai quelque chose de minuscule, pratique en termes de maniement et de poids, mais beaucoup moins professionnel en photo, soit je garde un équipement pro et je solutionne ce souci de portage et prise en main.

Je traverse le Buffet, chemine entre le Petit Chemin de Bucy à gauche et le Grand Bois du Rhin à droite. Je longe le Buissonnet, le Fond de la Chaudière puis descend le Fond Liédon. Que de mystère derrière ces noms !

07h57. Depuis que j’ai entamé ce cycle de marche préparatoires, j’ai découvert que les bornes kilométriques (et hectométriques) de mon enfance ont quasiment disparu. Aussi ai-je choisi de photographier celles qui subsistent encore. La première que je croise est au Fond de la Chaudière (c’est le nom du lieu !). Malgré que mon parcours soit composé pour moitié de goudron, je ne vais voir que sept bornes sur toute ma journée. Et aucune borne hectométrique.
Que sont-elles devenues ? Qui les a ramassées ? Quand ? Autant de questions pour le moment sans réponse. Certes, à la vitesse où, guidés par GPS, circulent les automobilistes sur les routes départementales, qui se préoccupe aujourd’hui des bornes kilométriques ? D’autant que, modernisme aidant, elles ont de moins en moins la forme d’une borne. Les modèles "années 2000" sont une plaque métallique, bombée au sommet, et posée sur un piquet métallique. Beaucoup moins poétique ! Impossible aussi pour le marcheur de s’y reposer un instant. Tout cela me donne l’idée qu’un jour, si je m’en sens la créativité, je pourrais rédiger un petit opus, une sorte de plaidoyer pour la sauvegarde des bornes kilométriques. En attendant, je pense que je tiens là l’idée du nom de mon futur blog. Des sept bornes, trois seront des plaques métalliques, trois seront des plaques de béton (un modèle des années 90 peut-être ?) et une autre sera bien une borne, mais en plastique.

08h29. Tout à l’étude de mon chemin dans le bois des Beaudets dont la traversée n’est pas aussi simple que le tracé de la carte l’indique, je manque trois chevreuils qui broutent tranquillement dans une petite clairière. Pas très coopératifs, les trois chevreuils, ils s’enfuient en trois bonds. Vraiment stupide alors que je me trimbale avec un téléobjectif pour justement réaliser ce type de photo !

08h35. Je suis à nouveau totalement perdu dans un second bois. La carte IGN annonce clairement un sentier, de même que la cartographie satellitaire de Google que j’utilise pour mes tracés. Sur le terrain, la clarté des cartes devient assez mystérieuse. Alors que je dois être dans un sentier rectiligne sur plus de 500 mètres, ce ne sont que changements de direction et bifurcations avec six allées, dont aucune n’est dans le prolongement d’une autre. Certes, l’entame du bois avait débuté par un panonceau "propriété privée" (c’est fréquent que les agriculteurs s’arrogent des droits qu’ils ne possèdent pas), mais de là à ce que rien ne corresponde ... Bien sûr, je n’ai pas de boussole. Les lieux sont parfaitement entretenus, toutes les allées ont été récemment fauchées, presque tondues en haute pelouse. C’est joli, mais très humide. Mais je n’ai pas les chaussures qui vont bien en zone humide. Je n’ai parcouru qu’à peine 13 km et j’ai déjà les pieds humides. Pas terrible au quart de la distance à effectuer !
A tourner et retourner, je tombe à plusieurs reprises nez à nez avec des hordes de chevreuil. J’en compte plus de 20. A moins que ce ne soient les mêmes, tout comme moi perdus ? En tout cas, ce type de sentier est à bannir lors des grandes marches : je n’avance pas !
Au sortir du bois, je suis pourtant bien sur le tracé indiqué par la carte d’état-major. Incompréhensible ! Il est 08h47. Je n’ai donc avancé que de 400 mètres en 12 minutes.


Je continue ... le Moulin, le Bois des Comtes, le Fond de Vaucelle, Neuville-sous-Margival, la Couturelle, le Buisson des Moines, ...


09h41. Une activité dans les champs dits de l’Homme Mort : plusieurs tracteurs munis de bennes d’épandage sillonnent le champ en déversant de pestilentiels résidus d’épuration ou de la chaux. Il s’agit d’une société, originaire de la Somme, spécialisée dans ce type de travaux, qui se met à la disposition des agriculteurs qui ont besoin de ce type de services. Une pelleteuse pour charger les bennes, trois tracteurs et autant de remorques, un fourgon atelier rallongé qui tracte une immense caravane pour loger chaque soir tous ces ouvriers au gré des travaux qu’ils réalisent dans la région. Des ouvriers nomades mais modernes. Sur le chemin qu’ils empruntent avec leurs mastodontes, c’est évidemment moi qui dois m’écarter fissa.


10h00. La descente après les Champs-Madame, vers le lieu-dit les Pintons, est presque un petit paradis fleuri. La route est en cul-de-sac, sûrement jamais fréquentée hormis par l’agriculteur qui possède la ferme au fond du vallon, ce qui explique sûrement l’aspect bucolique du lieu. Je découvre qu’il s’agit d’une ferme "bio" dotée d’un gîte rural. Pour venir ici, il faut trouver ! Si matinalement, c’est la recherche du parcours qui m’avait ralenti, cette fois, ce sont les pauses photo, multiples. Je sais de toutes façons que mes futures étapes ne devront pas dépasser les trente kilomètres. Impossible sinon de prendre le temps de cadrer les photos et surtout impossible de réaliser les interviews des paysans croisés.






10h10. A nouveau à chercher mon chemin à la ferme des Aubes Terres. La carte indique clairement un chemin goudronné qui contourne la ferme pour accéder 500 mètres plus loin et 40 mètres plus haut à une seconde ferme via un chemin en partie revêtu. Simple à lire sur la carte, autrement plus complexe sur place.
L’étude de la carte, après avoir cherché de part et d’autre, me pousse à franchir une clôture électrique tendue entre deux bâtiments et qui retient quelques vaches laitières en attente de traite. Je me dis que si quelqu’un s’enquiert de ma présence, j’expliquerai que je ne fais que chercher mon chemin. Une fois la cour traversée –de façon pas totalement détendue entre les vaches– et une seconde barrière électrique franchie, je retrouve le chemin de la carte ! Le paysan du coin ne s’est pas gêné : la petite route passe au milieu de sa ferme, mais comme personne ne doit jamais l’emprunter, sauf lui, il a visiblement pris quelques libertés avec le droit de passage. J’imagine l’automobiliste, ou seulement le vététiste, confronté à la même situation. Passage impossible. Il ne leur reste plus qu’à faire un détour de 2500 mètres pour rejoindre l’autre ferme. Pourtant, il doit bien en passer des véhicules de touristes puisqu’un gîte rural pour cinq personnes jouxte la ferme !
Au sortir de la ferme, auprès du dernier bâtiment, une étable. Un chien de fort belle taille se lève à mon approche. Impressionné par la lecture des mésaventures de Bernard Ollivier avec les chiens des paysans iraniens, je ne suis pas très rassuré. Le mien est attaché. Comme il a remué et fait du bruit, une voix féminine se fait entendre de l’autre côté d’une haute porte métallique qui ouvre sur l’étable. Et dans l’entrebâillement sombre apparaît une tête.

Oh, un visiteur ! On n’en voit pas souvent par ici !
Bonjour madame !
Puis rien d’autre. J’étais parti pour faire la réflexion de l’appropriation du chemin rural, mais la tête à contre soleil dans l’entrebâillement sombre avait un côté plaisant qui désamorça ma remarque. Et puis à quoi bon ? Je suis peut-être le seul marcheur du mois à passer par ici puisque l’on est ici à l’écart de tout.
La route qui relie à la seconde ferme, cartographiquement représentée comme irrégulièrement entretenue, l’est surtout du fait du fermier du coin. La ferme du bas, comme celle du haut, fait dans la vache élevée biologiquement. Visiblement, les vaches passent régulièrement d’une ferme à l’autre. Sur plus de 50 mètres, le chemin est quasi inutilisable du fait de l’accumulation des bouses de vache. C’est évitable à pied. Plus du tout en VTT. Malgré cela, le coin est très plaisant et l’installation d’un gîte rural se comprend aisément. Le lieu ne fut cependant pas accueillant à toutes les époques, ni pour tous les visiteurs étrangers. En 1917, la ferme d’Antioche fut l’occasion de violents combats de tranchées –la ferme est située à la partie ouest du Chemin des Dames– et 71 soldats de divers régiments sont tombés ici. Parmi eux, six venaient du Soudan, un de Haute-Volta (actuel Burkina-Faso) et un de Madagascar. Les 65 autres soldats étaient originaires de 39 départements français. Une nécropole nationale recueille 60 des soldats tombés à Antioche –onze corps ayant été rendus aux familles–, au village de Vauxaillon, à quatre kilomètres du lieu. Étonnant cependant que ce soldat étiqueté comme venant de Haute-Volta. En effet, la Haute-Volta ne fut créée, sous cette appellation, qu’en mars 1919 à partir de la colonie du Haut-Sénégal et du Niger et d'une partie de la Côte d'Ivoire. Décédé à Antioche en 1917, ce soldat ne peut donc être de Haute-Volta. Une petite erreur d’écriture de l’histoire probablement.

10h36. Un banc de bois à demi ombragé est le bienvenu. Parce qu'il y a des promeneurs par ici ? 
Puisque je ne sais plus trop où j’en suis, je fais ma pause des 15 kilomètres. Quoique j’en sois en fait déjà à 19,2. J’avance beaucoup moins vite que lors de ma marche du jeudi précédent, le terrain n’étant guère propice à une marche rapide. Malgré la chaleur déjà élevée (il fait 24°), l’eau de la bouteille placée à l’extérieur de mon sac est étonnamment fraîche. Quant à la ventilation avec ce type de sac à dos, c’est un régal. Finis les tee-shirts ou chemises qui collent à la peau. Rien à voir avec le précédent sac. Le confort justifie très largement le prix.

10h45. J’ai bu un quart de litre, avalé deux sucres et une barre de céréales aux fruits rouges, vérifié mon chemin –espérant être au bon endroit–, je peux donc repartir. Sauf que cela descend longtemps, qui plus est entre des habitations et sur un chemin goudronné. Alors que je devrais être sur un sentier à longer un cimetière avec le soleil à droite quand je l’ai de face. Je ne suis donc pas sur la bonne route. Il ne me reste plus qu’à revenir sur mes pas, ce qui est déjà moins plaisant car la pente est raide. Je finis par retrouver mon cimetière, cent mètres avant mon banc en bois. J’avais mal regardé ma carte : le cimetière était en contrebas du chemin, de cinq mètres, ce qui est clair avec les courbes de niveau. Encore eut-il fallu que je rentre dans le détail !
Deux cent mètres plus loin, au bas du cimetière, je ne peux plus avancer : le cantonnier qui a fauché le sentier a entassé tontes d’herbes et bois morts au bas du chemin. Et ce depuis visiblement plusieurs saisons. Pourtant le sentier se poursuit bien au-delà : il suffit d’enjamber ou de contourner le tas d’herbes et de bois en décomposition. Comme personne ne le fait, le chemin qui ramène 200 mètres plus bas sur la route départementale n’est plus utilisé et je dois avancer à demi courbé pour éviter branches basses et ronciers en surnombre. Mais qui utilise le banc sur lequel je me suis assis ?
Les pluies ont aussi raviné le sol et ajouté des moraines, compliquant l’avancée. Décidément, je les cumule aujourd’hui !

10h59. Sur la carte, c’est une ligne parfaitement droite de 1300 mètres, quasi plate, au milieu de rien. Ou plus exactement au milieu de champs ou de prairies puisque c’est en blanc sur le papier. En réalité, de hauts peupliers orangés ou brunis par les premières lueurs de l’automne bordent la voie à gauche, avec une haie d’arbustes vert foncé à leurs pieds. Du coup, le site est très plaisant. Un petit vent latéral aide à digérer un soleil qui tape déjà fort. Il n’est que 11h00 et il fait déjà 26°.

... le Marais de Longchamp, les Guilleminets, le Bois de Mortier, ...

11h50. Cette fois, ce n’est pas le chemin qui est difficile à trouver, c’est le chemin qui est difficilement praticable. Sur plus de 2600 mètres, j’emprunte l’ancienne voie ferroviaire qui reliait Pinon à Saint-Gobain, une voie qui n’a jamais eu de trafic passager, qui appartenait à la Compagnie du Nord avant guerre, désaffectée au début des années 60, puis transformée en sentier à la fin des années 80. Comme c’est un des coins les moins peuplés du département, avec le moindre village à plusieurs kilomètres, j’imagine que les piétons y sont fort rares. Au milieu de nulle part, dans une trouée d’arbres, un vieux pont métallique à demi rouillé enjambe le canal de l’Oise à l’Aisne.
Les sections du chemin utilisées par les rares agriculteurs du crû (trois paysans se partagent les 200 hectares jouxtant la voie) sont parfois totalement défoncées, avec des ornières de plus de quarante centimètres. A tel point que certaines parties, encore humides des dernières pluies de juillet, sont presque infranchissables. Quant à la partie de la voie qui traverse la forêt de Quincy, si les traverses en bois et les rails ont bien été enlevés, les gros graviers utilisés comme ballast sont toujours en place. Sur plus de 1200 mètres, le pied roule, se tord, glisse, craque, geint, cherche un appui solide, profite d’une rare touffe d’herbe pour amortir un peu ces cailloux de granit gris qui, tels des dards, paraissent vouloir sans cesse perforer mes semelles. Comme il n’y a aucun salut en dehors de la voie (la forêt que traverse la voie n’est pas exploitée), il n’y a qu’une alternative possible : avancer ! En espérant au plus vite atteindre la prochaine bifurcation qui me verra quitter ce délicat passage, sorte d’enfer du Nord du marcheur.
A bien y regarder, très peu de véhicules, fussent-ils forestiers, doivent emprunter cette voie : il n’y a aucune trace sur les parties terreuses et les plantes ou arbrisseaux ne portent aucune marque de détérioration. Evidemment, ce type de précision ne figure sur aucune carte. Disons qu’après 23 kilomètres de cheminement, je m’en serai bien passé. C’est aussi assurément le genre d’endroit où il ne vaut mieux pas se blesser : pas de téléphonie mobile, pas d’accès pompiers, personne. Un avant goût de ce qui m’attend sur près de 200 km en longeant la mer Caspienne de Bekdash à Türkmenbasy ? Pour le moment, c’est plaisant comme pensée. Ce sera peut-être moins le cas une fois sur place.
Dommage que cette allée ne soit pas entretenue : elle ferait un parcours parfait en VTT ou à cheval. J’ai d’ailleurs, alors que je cheminais sur la partie de la voie qui traverse les terres agricoles, croisé deux cavalières qui chevauchaient dans le champ, le long du sentier car celui-ci était tellement défoncé par le passage des tracteurs qu’il en était rendu inutilisable à l’équitation.




... le Moulin Brûlé, les Champs de Travers, Courson, les Faux Rus, le Mont des Tombes, ...

12h30. Décidément, mon parcours s’apparente à l’épreuve Koh-Lanta ! Après le parcours topographique du matin et la zone caillouteuse précédente, je me retrouve sur un chemin qui a totalement disparu sous les frondaisons. Par chance, un champ de blé moissonné jouxte le chemin. Ce sera ma voie sur près de 750 mètres. On pourrait penser qu’un vestige de tige de blé de quinze centimètres de hauteur n’est rien face à une correcte chaussure de marche, ce n’est pas le cas. Le vestige de tige a des centaines, des milliers, des millions de petits copains, qui, s’ils font un bruit assez plaisant à l’oreille, ont vite fait d’énormément fatiguer les chevilles. C’est aussi dans ces moments-là que l’on apprécie d’être en pantalon complet et non pas avec ces pantalons de marche qui laissent le mollet découvert. Entre les hautes herbes, les ronciers et plantations diverses traversées depuis le matin, j’aurai assurément déjà hérité de mollets sérieusement meurtris. Voire brûlés par le soleil puisqu’il fait maintenant 30°.
Pas le temps de souffler une fois sorti de mon champ et à nouveau sur un sentier praticable puisque j’aborde une côte qui fusille bien les jambes. Dix pour cent sur 500 mètres. Dans l’absolu, c’est peu. Après plus de 27 km avalés et une chaleur ambiante élevée, cela passe déjà moins bien. Comme je suis en mode "touriste" depuis mes vaches bio, le temps n’a plus d’importance, cela ne change pas grand-chose. J’ai déjà deux heures de retard sur mon horaire le plus rapide. Je sais qu’à la ferme de Tinselves, il y a d’imposants massifs de mûriers, mais bizarrement, à cet endroit, les fruits sont loin d’être à point. Quant à la ferme, elle fait misérable. Le lieu est pourtant chargé d’histoire puisque la ferme date de la fin du XVIe siècle et que les traces d’une villa gallo-romaine ont été trouvées en 1994 sans que des fouilles soient encore menées. Une gigantesque décharge jouxte la ferme. Fermée administrativement en 1996, des dépôts sauvages ont pourtant été trouvés au début des années 2000. Comme le lieu se trouve encore un peu perdu au milieu de nulle part, facile de prendre quelques facilités avec les règlements ! Je comptais y faire halte mais la ferme déserte et le lieu pollué me poussent à faire ma halte de mi-parcours ultérieurement.



... le Bois de la Louve, les Basses Vignes, ...
Evidemment, ni louve, ni culture viticole.

13h00. Soleil au zénith, une table en bois, un banc au bord du sentier. Certes en plein soleil mais c’est tout de même mieux qu’une borne de pierre que je ne trouve pas ou qu’un talus. Je décide donc de stopper ici pour ma halte déjeuner, d’autant la bienvenue que je viens de franchir un passage en descente très caillouteux et que j’ai déjà largement dépassé la moitié de mon parcours avec plus de 29 kilomètres.

13h33, fin de ma halte. Eau, sandwiche jambon/comté, salade de pâtes-haricots verts-poivron rouge-tomates-thon-câpres, boisson énergisante (une première, c’est pour tester) et barre énergétique au menu. C’est la première fois que je fais une vraie pause sur une longue marche (il faut bien essayer pour voir comment se comporte le corps !) et la station assise au soleil n’a pas été insupportable. J’en ai profité pour changer de chaussettes, je me sens donc comme neuf, prêt à repartir. Accus chargés à bloc. Il le faut parce que plusieurs kilomètres sans un soupçon d’ombre m’attendent. En mode touriste puisque le terrain en a décidé ainsi.

... Leuilly-sous-Coucy, Bas de l'Ecart Faux, le Trou des Loups, le Pain de Sucre, le Champ Saint-Michel, ...

14h52. Un énorme entassement de ballots de paille de plus de quatre mètres de hauteur est le bienvenu pour me dispenser un peu d’ombre. Voilà une heure vingt que je marche en plein soleil –il fait 34°– sans la moindre ombre, sans un souffle de vent, sur un terrain presque plat au milieu de champs de blés moissonnés : un véritable entraînement au désert ! Pas une âme qui vive. Hormis mes deux cavalières du matin et quelque activité dans certaines fermes, je n’ai vu personne. A se demander qui utilise les deux bancs que j’ai utilisés.

... la Valayette, Montécouvé, Bagneux, le Paradis, les Sablons, les Poils de Truie, ...
Voilà bien des noms qui ne s'inventent pas ! La commune de Montaillé dans la Sarthe possède aussi un lieu-dit nommé "les Poils de Truie". Plaisante adresse !



16h10. Halte repos à l’ombre d’un gigantesque noyer au cœur du micro village de Bieuxy, 29 habitants, une des quatre plus petites communes de Picardie, avec Epécamps (Somme, 7 hab.), Bruys (Aisne, 19 hab.) et Bancigny (Aisne, 27 hab.). Je pense que peu de communes peuvent se targuer de posséder un arbre qui peut abriter du soleil la totalité de ses habitants.
Cette halte est bienvenue. Je viens de parcourir 40 kilomètres, je voulais un entraînement canicule/désert, je suis servi ! 
Le village compte quatre fermes. Pas étonnant alors d’entendre le champ du coq. Mais à 16h10 ? ... Si le coq chante à toute heure, c'est aussi un moyen de marquer son territoire et indiquer aux éventuels concurrents qu'il est présent et prêt à en découdre s'il est menacé. Ah ? Parce que monsieur le coq me considère comme un intrus ? Je décide donc de repartir après quelques minutes.

... Proche la Glaux, les Vaugerins, l'Arbre de Villers, la Poterie, la Carlette, ...
Il faut se plonger dans les récits historique du 43e RI durant la guerre de 14-18 pour trouver trace de ces lieux retombés depuis dans l'anonymat le plus complet.

17h10. Après à nouveau quelques kilomètres en pleine canicule, mon parcours reprend une petite partie du GR12. Encore faut-il que j’en retrouve la trace ! La bifurcation est censée se trouver au sortir d’un virage de la départementale 914, à angle droit à flanc de coteau. Le virage est bien là, le flanc de coteau aussi, de même qu’un poteau électrique qui porte le caractéristique fléchage jaune et rouge du GR qui indique que c’est bien ici qu’il faut tourner. Mais de sentier, nulle trace. Un jardinet et un dépôt de déchets végétaux sont à la place du chemin. Et c’est tout. Je cherche de longues minutes. La fatigue, sûrement, me fait oublier que le matin j’ai déjà eu affaire à un dépôt végétal mal placé. A cet instant, j’ai parcouru 44 kilomètres, aussi je ne trouve nul plaisir à ce jeu de cache-cache. 
Deux possibilités s’offrent à moi : soit contourner l’obstacle –près de 2 kilomètres de détour–, soit forcer le passage. Un peu contraint (j’ai plus de deux heures de retard sur mon horaire prévisionnel), j’opte pour la seconde solution. Après un passage délicat à travers 50 mètres de déchets divers, je retrouve le sentier ! Stupéfiant le comportement de certains agriculteurs et le respect des chemins de marche. Le GR12 est tout de même le sentier qui relie Amsterdam à Paris ... Est-ce à dire que personne ou presque n’utilise cette portion ? Qui vérifie l’état de ces GR ? Personne semble t’il.
Mon chemin récupéré, je ne suis cependant pas au bout de mes surprises. Au pied de la colline, soit à peine 250 mètres plus bas, nouveau souci : je tombe sur une clôture électrique qui barre le sentier. Après tout, si le paysan du haut a condamné le chemin, pourquoi son voisin du bas ne ferait-il pas de même ? Je franchis cette barrière ... pour rester bloquer 50 mètres plus loin par un enchevêtrement de clôtures électriques, de bosquets et sans plus aucune trace du chemin. Pire, je me heurte à des arrières jardins récemment aménagés, à des maisons qui bordent la ruelle que je dois atteindre via un chemin censé passer entre deux maisons. A priori, une habitation nouvellement bâtie semble s’être posée au beau milieu du chemin, ou, plus probablement, l’entrepreneur ou le propriétaire ont inclus le sentier dans la parcelle constructible. Je dois donc contourner les jardins pour rejoindre la ruelle. Je dois même en traverser un. Personne, pas un chat. Suivi d’un passage très délicat au milieu d’un marais, bien indiqué sur la carte, comme le chemin l’était. J’aurai préféré que le marais ait disparu plutôt que le sentier ! 
J’avance timidement, en prenant soin de poser chacun de mes pas sur les touffes d’herbes plus hautes en priant que mon pied ne se pose pas dans l’eau. Par chance, je suis aidé par une canicule établie depuis une dizaine de jours sur la région et un marais particulièrement asséché. Je prends quelques libertés en traversant à nouveau un jardin –toujours personne– et je rejoins enfin ma ruelle. Quelque soit la façon de lire la carte, il n’y a aucune discussion possible : je suis bien au bon endroit. Mais pas le GR 12. Ou du moins ne l’est-il plus.




... Tancourt, Vauxrezis, la Saudraie, le Mont de Pasly, ...

17h53. Je m’assieds quelques instants sur un pylône EDF à terre. Je suis en pleine réflexion, doute et questionnement. Soit je poursuis sur la départementale pour rejoindre au plus vite mon chez-moi, soit je bifurque à gauche pour une ultime boucle qui rallonge un peu par rapport au chemin le plus direct. Il me reste 250 ml d’eau, je juge que ce n’est pas suffisant pour plus de 6 kilomètres. D’un autre côté, j’ai tracé un parcours et prendre au plus court me paraît abdiquer. Et ça, cela ne me plaît pas du tout. De toutes façons, j’aurai marché plus de 50 kilomètres. Alors ? ... Il est tard, j’ai toujours mes deux heures de retard du matin. Se combattent violemment la raison et l’envie. Un test, c’est un test, cela doit être mené à son terme. Cette fois, c’est l’envie qui l’emporte, et je bifurque à gauche après avoir avalé le tiers de ma réserve d’eau.

18h20. Je passe la borne 150 au Monument des Instituteurs, en hommage aux instituteurs de Cuffies morts de la Grande Guerre. Un monument au beau milieu d’un plateau agricole de 200 hectares. Pourquoi ici ? Nulle indication. Par contre, pour moi, à partir de cet instant et jusqu’à la porte de mon appartement, le chemin n’est plus qu’en descente. Après quelques gouttes de pluie qui ont très légèrement rafraîchi l’atmosphère, le soleil réapparaît. Une nouvelle rasade d’eau après une dernière photo et c’est reparti pour les derniers kilomètres.

18h32. Nouvelle pause. Six cent mètres d’un chemin agricole mal caillouté m’ont un peu meurtri. Je m’en serai bien passé après un total de 615 mètres de dénivelé positif (je suis loin d’avoir opté pour la facilité pour ce premier 50 km !). Je m’assieds sur un gros rocher pour quelques secondes de repos et avaler les dernières gouttes de ma gourde. J’ai consommé mes deux litres. J’aurais emporté plus d’eau que cela n’aurait pas été superflu. Même si je n’ai quasiment pas transpiré. 
Je n’ai croisé aucune fontaine, aucun bar. Normal qu’il n’y ait aucun randonneur !
C’est en tout cas une bonne indication pour l’avenir : je devrai pouvoir enchaîner deux étapes de 50 kilomètres par des températures de plus de 30°, en plein soleil, et avec six litres d’eau. 

... Cuffies, Saint-Lambert, les Hardrets, les Longues Raies, Soissons.

19h30.C’est fini. Je m’effondre dans mon canapé une dizaine de minutes en sirotant lentement un verre de Coca-Cola. Ce n’est pas synonyme d’une fatigue exagérée, bien au contraire. Mon corps est envahi de largement plus de satisfaction que de fatigue ! 
Au bout de dix minutes, les légers troubles de la vision apparus lors du dernier kilomètre ne sont plus qu’un fugace souvenir, mes pieds sont presque totalement détendus. La chaleur et surtout le parcours trop complexe ont rendu l’exercice difficile, mais c’était un bon entraînement, riche d’enseignements. Une partie de mon équipement n’est pas optimisé (pantalons et chaussures notamment) et bien sûr mon souci sanguin n’aide pas à la performance. Mais c’est largement faisable. En mode touriste, avec d’incessants arrêts photographiques, j’ai accompli les 53,7 km d'un parcours bien vallonné en 13h30, soit une progression de 4 km/h. Je ne me suis donc pas trompé en tablant sur un périple accompli à la vitesse de 3,5 km/h.
Avant même de songer à dormir, je planifie déjà ma prochaine sortie de plus de 50 kilomètres. Ce sera dans huit jours, le 1er septembre.

26 avril 2013

Tracer son chemin


Lundi 20 août 2012. Tracer, il y a près de trois mois, une ligne de Brest à Samarkand fut simple. Difficile de partir à l’aveuglette, j’ai passé l’âge. Je dois donc transformer cette ligne en autant d’étapes que de jours, à raison de six par semaine. J’avais prévu de tracer une étape par jour durant un an. Simple en théorie, beaucoup plus difficile en pratique dans la mesure où je n’ai pour le moment pas trouvé les cartes nécessaires pour la seconde moitié de mon trajet. Je suis déjà en retard de deux mois sur mon planning ! Quel plaisir cependant que cette préparation : préparer un tel périple, c'est déjà voyager.


25 avril 2013

Imposante rencontre


Jeudi 16 août 2012, vingt septième marche.
Je me doute bien qu'en choisissant d'aller à la rencontre du monde agricole par les petits chemins de campagne, je vais souvent rencontrer des tracteurs. Mais quand ces deux-là sont apparus, face à moi, au détour d'un virage après le Trou du Loup, j'avoue que je me suis senti tout petit sur une voie déjà pas bien large, et dans la position du petit cochon.



24 avril 2013

Art abstrait

Jeudi 2 août 2012, vingt deuxième marche de préparation.
Quasiment de l'art abstrait que ce serpent écrasé au soleil sur le macadam au lieu-dit "Les Larris Bougon" sur la D942 
(les larris sont les coteaux calcaires rencontrés en Picardie).


23 avril 2013

Sur la route

Lundi 9 juillet 2012, neuvième marche d'entraînement.
Route de Saconin à Missy-aux-Bois par le Mont d'Arly.




22 avril 2013

Préambule


Vendredi 8 juin 2012. Assis dans mon canapé, une plume, un cahier, un atlas, trois chats. Les médecins ont confirmé ce qui se dessinait depuis quelques mois déjà. Me voilà donc à devoir revoir totalement mon futur.


Ce jour-là, j’écris : « J’ai donc décidé, puisque ma vie s’est considérablement bouleversée, de voyager. L’idée n’est pas neuve, loin s’en faut ! Je pourrai même écrire qu’elle me suit comme mon ombre depuis des décennies. Les aléas de la construction de l’Europe ont annulé un voyage prévu à cheval en 1990. En 2011, j’avais planifié pour avril 2021 un voyage sur les routes de la soie, à cheval, comme Marco Polo qui me faisait rêver alors que je n’étais que collégien. Les aléas de la vie ont entraîné l’annulation de ce projet. Je n’abdique pas pour autant : j’envisage seulement de voyager autrement. Et voilà pourquoi ce vendredi, en milieu de soirée, je me retrouve dans mon canapé, avec chats, cahier et plume. 
Avec un appareil photo aussi. J’ai moult fois répété que la photographie était mon oxygène de vie. Or pour voyager, pour marcher, il faut d’abord respirer ! »


Ce soir-là, j’ai tracé une ligne de Brest à Samarkand, à travers 13 pays d'Europe et d'Asie et autant de cultures.

J’ai décidé d’accomplir ce voyage à pied. Pour prendre le temps que cette maladie est en train de me voler. Afin d’en dresser une galerie de portraits, j’ai choisi d’aller à la rencontre de ceux qui travaillent et vivent de la terre : maraîchers, pêcheurs, éleveurs, paysans ou fromagers.


Ce blog reprend quelques étapes et quelques images du cheminement et de la préparation à ce reportage.